En 2015 et en 2016, la Toneelhuis a développé, avec le soutien de subventions européennes, un projet à grande échelle dont la production mise en scène par Guy Cassiers, De welwillenden (Les bienveillantes) d’après le livre éponyme de Jonathan Littell est l’élément central. Dans ce spectacle, Cassiers affronte la face la plus sombre du comportement humain : la pensée nazie et l’extermination des Juifs. Comment cela a-t-il pu se produire au cœur de l’Europe ? Quelles transformations politiques, idéologiques, sociales et psychologiques ont pu engendrer cette barbarie et lui donner libre cours ? L’actuel fondement politique chancelant de l’Europe et la montée des partis d’extrême droite et xénophobes confèrent une urgence exceptionnelle à ce projet.

Parallèlement à cet élément central ont émergé deux autres initiatives, numériques celles-ci, qui ont permis à la Toneelhuis et à tous les partenaires européens participants de stimuler les divers publics cibles du spectacle à une plus grande participation et à un engagement actif (et ensuite à approfondir et enrichir l’expérience du spectacle) : testofcivilisation.eu et invisible-cities.be. L’ensemble porte le titre The Littell Project et a tourné, entre autres, dans des théâtres et des festivals à Istanbul, Rome, Montreuil, Gérone et Amiens.

La première des deux initiatives numériques est le long format multilingue, Test of Civilisation.eu. Ce webdocumentaire prend pour point de départ le contexte historique dans lequel se situe le livre de Jonathan Littell. Deux thèmes récurrents sont la perspective du bourreau et l’impact du langage, autrefois et aujourd’hui. En quinze chapitres abondamment étoffés d’images, d’extraits de films et d’enregistrements sonores provenant de différentes archives, on y dépeint l’avènement de la pensée nazie et la manière dont cette idéologie va déterminer toutes les facettes de la vie des Juifs et des autres exclus. Le sous-titre résume le thème et l’enjeu : « … ou comment le rêve d’Europe engendre un cauchemar. Si une comparaison entre la période actuelle et les années trente est bancale, pourquoi y a-t-il tant d’analogies dans le langage agressif utilisé alors et aujourd’hui ? »

Simultanément, nous avons amorcé un trajet intense et participatif de médiation vers le public qui s’est concrétisé par une plateforme, Invisible-Cities.eu, sur laquelle des étudiants de dernière année de journalisme de l’école supérieure AP Hogeschool à Anvers ont publié les portraits nuancés qu’ils ont réalisés d’habitants de la ville qui subissent l’une ou l’autre forme d’exclusion. Le projet a sciemment été étendu aux destinations de la tournée où des étudiants locaux en journalisme ont aussi recueilli des récits de résidents « invisibles » dans leur ville. Ainsi, les partenaires turcs, italiens, espagnols et français ont constitué leur propre collection de portraits d’habitants locaux faisant face à l’exclusion (réunis sur le même site Invisible-Cities.eu). Ici aussi, un long trajet entre les théâtres et les écoles locales de journalisme a précédé la réalisation du projet.

Le 23 février dernier, le transfert officiel de Testofcivilisation.eu s’est effectué à Kazerne Dossin (Mémorial, Musée et Centre de documentation sur l’Holocauste et les Droits humains). Cette plateforme fait désormais partie intégrante de la collection du musée, ce qui lui assure dans les années à venir de multiples visites et un usage actif.
Invisible-Cities.eu a été transféré à l’AP Hogeschool où la plateforme fera office de modèle de travail participatif.

Ce qui a commencé comme un projet de médiation avec le soutien de l’Union européenne se développe à présent en sites internet implantés durablement qui s’adresseront à des publics divers de manière à transcender le projet théâtral initialement mis sur pied.
 

Test of Civilation et Invisible Cities font partie de The Littell Project, avec le support du programme Europe creétive de l'Union européenne.