Alarmé par le groupe toujours croissant de Juifs qui voulaient quitter l’Allemagne, le président américain Roosevelt organise une conférence internationale dans la ville française d’Évian en juillet 1938. Il demande aux plus de trente pays participants d’augmenter volontairement leurs quotas d’immigration pour accueillir les Juifs visés. Sa proposition ne recueille que peu de suffrages. La France et l’Angleterre se déclarent « saturées » et affirment encore souffrir de la « crise économique » de la fin des années vingt et l’Australie ne désire pas importer des « problèmes racistes ». Hitler comprit dès lors qu’il ne pourrait se débarrasser des Juifs allemands en les poussant à émigrer vers le reste de l’Europe. Quelques mois après la conférence, le 9 novembre, les Nazis orchestrent la Kristallnacht, la Nuit de Cristal, qui marque le début des persécutions violentes des Juifs en Allemagne !
Walter Mondale, le vice-président des États-Unis, a appelé la conférence d’Évian « a test of civilisation » auquel le monde libre a échoué. Aujourd’hui, face aux réfugiés venant du Sud, l’Europe est à nouveau soumise à ce test. L’Europe le réussira-t-elle cette fois-ci ? L’apparition d’un langage agressif, dénué de nuances, dans la politique comme dans les médias sociaux, fait craindre le pire.
Ce site Web a vu le jour en parallèle avec le spectacle de théâtre De Welwillenden (2006) d’après le roman Les Bienveillantes de Jonathan Littell, dans une mise en scène de Guy Cassiers (Toneelhuis/Toneelgroep Amsterdam, Antwerpen/Amsterdam, 2015-2016). Dans Les Bienveillantes, Max Aue, un SS qui a gravi les échelons du pouvoir jusqu’aux plus hauts rangs raconte en détail et avec la plus grande minutie le rôle qu’il a joué dans l’extermination des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Son rapport est choquant et effarant, notamment parce qu’il affirme que d’autres auraient aussi pratiqué les mêmes choix que lui dans les mêmes circonstances. Mais l’Europe n’a-t-elle pas précisément été créée pour rendre ces circonstances impossibles ?
Le but de ce site Web est double. En partant de la perspective du coupable – sous la forme de vingt énoncés antisémites – nous brossons un panorama historique des phases les plus importantes de la persécution des Juifs – allant des idées antisémites de l’historien allemand du XIXe siècle Heinrich von Treitschke aux déclarations des chefs de file nazis tels qu’Hitler, Himmler et Mengele et jusqu’à la défense présentée par Eichmann pendant son procès en 1962. L’accent, sans se limiter aux faits, se pose sur les mécanismes langagiers employés pour stigmatiser, exclure, déshumaniser et finalement exterminer un groupe donné.
Ces mécanismes langagiers n’opèrent pas seulement dans des situations extrêmes telles que les génocides, ou dans des contextes qui entérinaient le racisme comme le régime d’apartheid en Afrique du Sud et les lois ségrégationnistes dans les États du sud des États-Unis. C’est pourquoi le but second de ce site Web est aussi important que le premier : attirer l’attention sur la violence symbolique de la langue dans toutes les formes de l’usage langagier actuel – aujourd’hui aussi – dans lesquels dans lesquelles l’humanité, l’histoire, les récits et l’individualité des autres sont opprimés, insultés et étouffés.
Ce site Web s’articule en quinze chapitres, dédiés aux déclarations antisémites dans leur ordre chronologique. Sous le commentaire qui accompagne chaque citation historique, vous trouverez – en vert – une référence à des mécanismes similaires, opérant à notre époque.
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Test of Civilisation fait partie du Projet Littell, avec le support du programme Europe créative de l'Union Européenne.