Bezonken rood/Rouge décanté, une production de la Toneelhuis avec Dirk Roofhooft en solo sur la scène, a connu sa première en 2004. Elle a été jouée sur les scènes du monde entier, la Pologne à Taïwan et d’Avignon à Montréal. Ce monologue poignant est basé sur le livre du même nom, dans lequel Jeroen Brouwers revient sur la période qu’il a vécue, enfant, dans un camp de concentration japonais. Roofthooft en a déjà joué des versions en néerlandais, français, anglais et espagnol.
« Ce spectacle s’est greffé dans mes gènes, nous dit-il au téléphone. Mais il demeure très lourd à porter, tant sur le plan mental que physique. Il exige de l’effort, de la concentration et de la passion. Quand je joue Rouge décanté, c’est toujours comme pour la première fois. À chaque fois, le trac m’étreint jusqu’à ce que tombe le premier mot. »
À quoi tiennent le succès renouvelé et la magie de cette pièce de théâtre ? « Un critique a mis le doigt dessus : c’est 'l'humanité blessée tout entière' qu’il reconnaissait dans cette histoire. C’est aussi ce que je ressens : combien je suis personnellement touché par ce qui se passe dans le monde. Il ne reste alors qu’une solution : chercher la beauté ultime, le divin dans l’homme. »
Rouge décanté est un chef-d’œuvre technique du metteur en scène Guy Cassiers. « Je ne l’appelle pas un monologue, mais une œuvre d’art totale pour acteur, son, lumière et vidéo, dit Roofthooft. C’est une véritable course d’obstacles, et souvent au millimètre près, car la caméra suit tout en direct. Mais c’est aussi un acte de foi. Nous sommes quatre à donner corps à l’œuvre chaque soir, et chaque soir il faut la mettre au point. Jusqu’à ce que se crée, touche par touche, le magistral petit tableau. »
Quant à l’étude des versions en d’autres langues, c’est avec une précision quasi obsessionnelle que Roofthooft s’y applique. « Le public doit sentir la charge émotionnelle des mots, la fragilité et l’insécurité de l’homme qui pèse le pour et le contre avant de les prononcer. Toujours dans le même but : faire sentir en direct au spectateur combien il est difficile de formuler ses blessures. Il arrive souvent que les silences en disent plus long que les mots eux-mêmes. » - Geert Van Der Speeten dans De Standaard, 17 décembre 2015