En 2013, Elfriede Jelinek, lauréate du prix Nobel de Littérature, a écrit Die Schutzbefohlenen en réaction au problème toujours plus âpre et plus affligeant des réfugiés en Europe. Pour Jelinek, le réfugié est la figure par excellence qui permet de sonder la situation de l’Europe actuelle et d’engager la discussion sur les normes et valeurs, la place de la religion et la responsabilité de la politique.
Nous voyons quotidiennement des images de réfugiés et de migrants et entendons des commentaires à leurs propos, mais pouvons-nous pour autant affirmer que nous comprenons « la crise des réfugiés » ? Peut-être la gravité et l’ampleur de la crise des réfugiés dépassent-elles les moyens du théâtre et de la représentation théâtrale ? Peut-être l’art n’échappe-t-il pas, malgré toutes les bonnes intentions – ou justement à cause de ses bonnes intentions – à une esthétisation (et donc à une neutralisation) de la souffrance d’autrui ?
La lecture que Guy Cassiers fait du texte de Jelinek est celle d’une polyphonie de voix et de thèmes portée par quatre comédiens (Katelijne Damen, Abke Haring, Han Kerckhoffs et Lucas Smolders). Ils donnent au demandeur d’asile une voix que l’Europe lui dénie. Ils donnent au réfugié, dont on ne veut écouter ni le récit ni la demande, un droit d’existence qu’on refuse de lui attribuer.
Face à ce flux de paroles, Cassiers opte pour une présence physique forte à travers un groupe de seize danseurs dirigés par la chorégraphe française Maud Le Pladec
, avec laquelle Guy Cassiers a collaboré en 2015 à l’Opéra de Lille où il a monté Xerse. Depuis juin 2016, Le Pladec assure la fonction de nouvelle directrice du Centre Chorégraphique National d’Orléans.
Pour la création en néerlandais, seize danseurs du Conservatoire d’Anvers ont été sélectionnés : Samuel Baidoo, Pieter Desmet, Julia Godina Llorens, Meike Stevens, Pauline Van Nuffel, Sandrine Wouters, Marcus Alexander Roydes, Berta Fornell Serrat, Alexa Moyo, Aki Iwamoto, Hernan Manchebo Martinez, Bianca Zueneli, Daan Jaarsveld, Machias Bosschaerts, Sarah Fife et Lukacks Levente. Avec eux, Maud Le Pladec développe une chorégraphie inspirée de certains principes dramaturgiques fondamentaux que Guy Cassiers et elle ont définis. Quand le spectacle partira en tournée en France et en Espagne la saison prochaine, une nouvelle constellation de danseurs recrutés sur place par les partenaires européens apprendront la chorégraphie.
La première du spectacle aura lieu le 4 mai 2017 au Théâtre Bourla à Anvers.