Il vaut mieux parler d’hier que d’aujourd’hui

Entretien avec Bart Meuleman

À l’occasion du lancement de la nouvelle saison 2015-2016, nous avons invité le public de la Toneelhuis à participer à un entretien sur leurs œuvres, récentes ou nouvelles, avec nos créateurs et nos comédiens.
Vous trouverez ci-dessous quelques fragments de l’entretien qu’a eu l’étudiante en art dramatique Barbara Ericx avec le créateur de la Toneelhuis Bart Meuleman.

Barbara « Comment définiriez-vous votre travail quant au genre, à l’atmosphère, à la thématique ? »

Bart « Je pense que mon travail tend légèrement au fantastique. Je ne veux pas dire par là qu’il est formidable, mais qu’il comporte toujours une sorte de fantaisie. Et ce monde fantastique consiste à extérioriser tout ce qui se déroule à l’intérieur d’une tête en matière d’images, d’événements et d’atmosphères. J’ouvre cet esprit et le montre sur scène. Parfois je le fais de manière sobre, d’autres fois plus grotesque. Cela dépend du point de départ. »

Barbara « Visez-vous un groupe cible en particulier ? Les enfants, les adolescents, les adultes ? »

Bart « J’aime que les spectateurs dans la salle soient vigilants, attentifs, prêts à me suivre dans ce que je désire montrer. Cela signifie, entre autres, qu’il leur faut être disposés à m’accompagner dans un monde un peu étrange, dont ils ignorent les codes quand ils entrent dans la salle. En tant que spectateur, il faut pour ainsi dire apprendre à entrer dans le spectacle. Et cela peut prendre quelques minutes, voire un quart d’heure. C’est une remarque qu’il m’arrive d’entendre à propos de mes spectacles. »

(…)

Barbara « La saison prochaine, vous mettez en scène Hedda Gabler d’Ibsen. Je suis très curieuse, car c’est une pièce de théâtre, non pas un roman. »

Bart « Au cours des dernières années, j’ai adapté des textes littéraires et je pense qu’il est temps de monter une pièce. Et je reviens à un auteur que j’ai lu il y a longtemps, Ibsen. […] Je trouve que Hedda Gabler est sa pièce la plus acerbe ; le personnage est fantastique et même les hommes plutôt falots qui gravitent autour d’elle sont intéressants. Peut-être ma lecture de Hedda Gabler est-elle erronée, mais il me semble que c’est une des rares pièces dans laquelle Ibsen fait preuve d’humour. D’un humour caustique. J’ai très envie de mettre cette pièce en scène et c’est peut-être lié à ce que j’ai réalisé précédemment, à une pièce comme Gregoria, par exemple, dont la forme est aussi légèrement grotesque. Des personnages qui sautillent sur scène, peureux comme des lièvres, mais aussi un peu lubriques et dépravés. J’ai opté pour des acteurs tous un peu plus âgés que ceux qu’avait imaginés Ibsen. Ariane van Vliet, qui interprète Hedda Gabler, n’a plus 25 ans. Et les hommes qui papillonnent autour d’elle ont aussi plus de 30 ou 35 ans. Ce que je trouve en soi un élément très comique. »

Barbara « Vous avez donc l’intention d’en faire un spectacle comique ? »

Bart « Attention, il s’agit d’une tragédie, mais j’espère qu’on rira aussi. […] Ce qu’on voit est avant tout une femme dans un monde d’hommes, une femme dont la sensibilité est supérieure à celle des hommes qui l’entourent, mais qui ne parvient pas vraiment à le manifester et finit par se suicider. Il s’agit assurément d’une femme dans un monde d’hommes. »

Barbara « Et d’ennui ? Ne dit-elle pas à un moment donné que la seule chose pour laquelle on l’a mise au monde est pour mourir d’ennui. »

Bart « En effet, il y est aussi question d’ennui. »

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