Des Fantômes irakiens à Romeo & Julia

Mokhallad Rasem crée, met en scène et interprète souvent aussi ses spectacles. La journaliste reporter d’images Lynn Van Oijstaeijen l’a suivi, lui et ses collègues, en route pour Liège. C’est dans ce Festival de Liège tourné vers l’international que se jouait la dernière représentation (pour le moment) de ses Irakese geesten (Fantômes irakiens), la production de 2010 grâce à laquelle l’équipe s’est taillé une place dans le monde du théâtre. Lynn en a fait un compte rendu en images et s’est entretenue avec Mokhallad.

« Lorsque je vivais en Irak, je puisais surtout mon inspiration dans la littérature théâtrale occidentale. Je ne suis jamais basé sur mon propre environnement. Maintenant que je vis et que je travaille en Belgique, c’est le contraire : ici, je pars de mes propres racines, de la culture et de l’atmosphère de l’Irak. J’essaie d’articuler ces deux mouvements autour de mon œuvre. Je suis en quête de nouveaux codes, de nouveaux signaux, qui ne renvoient pas qu’à mes antécédents irakiens, car le public belge décrocherait. Je cherche un langage universel. C’est pourquoi je pars toujours du physique et de l’imagé. C’est le plus lisible. »

À propos de ses Irakese geesten et de sa méthode préférée de travail, il dit ceci : « L’improvisation est un élément important du processus de répétition. Je me charge du concept, du parcours et de l’atmosphère. J’essaie de dessiner la voie à suivre pour chaque acteur, mais l’histoire personnelle de chacun d’eux m’intéresse au plus haut point. Je leur donne quelques mots pour points de départ. La première question que je pose aux acteurs est la suivante : que signifie la guerre pour toi ? Les deux acteurs irakiens en avaient fait l’expérience, mais pas les actrices. J’ai donc aussi utilisé cette tension. Pour les acteurs irakiens, donner une réponse à cette question n’était pas difficile : tout était là, les émotions, les souvenirs. J’ai posé la même question aux actrices. Elles voulaient s’informer plus avant, lire sur ce sujet. Mais il ne s’agit pas de cela pour moi. Moi, c’est l’histoire personnelle qui m’importe. Les antécédents d’une guerre, ça peut se trouver sur Google. Ceux qui ne l’ont pas vécue peuvent alors mieux se la représenter. Ils partent de l’imagination. Mais il ne s’agit pas pour moi de montrer la guerre littéralement. Je voulais en faire une sorte de rêve. »

Toutes ces lignes se retrouvent dans Romeo & Julia, la production que Mokhallad prépare pour le moment. La première est prévue pour le 18 avril. Le moins que l’on puisse dire du Romeo and Juliet de Shakespeare est que cette pièce est une icône de la littérature occidentale. Mais que l’on n’attende pas de Rasem un théâtre de texte sans détour. Son Romeo & Julia se base lui aussi sur des questions et des improvisations. Des questions sur l’amour, naturellement, that crazy little thing called love… Et des improvisations sur l’amour par les acteurs et interprètes : Gilda De Bal, Vic De Wachter, Eleanor Campbell, José Paulo dos Santos et les deux rôles d’enfants, que se partagent tour à tour Daan Roofthooft, Mona Staut, Nathan Van den Broeck, Luna Rous, Janten Versteele et Ivana Batchvarov. Cela donne déjà, après les premières semaines de répétitions, de très belles scènes changeantes, qui prennent à chaque fois le public à contre-pied. À suivre !

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