Thomas « Pour Het land Nod, nous désirons travailler autrement que d’habitude. Cette fois, nous voulons différer autant que possible “le début” jusqu’au premier jour de répétition et ainsi fixer le moins de choses possible à l’avance. Pour notre production précédente, Van den vos, nous avons commencé des années à l’avance ; c’était une période très intense et nous avons épuisé notre énergie avant même le début des répétitions. C’est ce que nous souhaitons coûte que coûte éviter à présent : maintenant, nous voulons produire quelque chose dans un même élan d’énergie, et pour ce faire, nous nous laissons surtout guider par le lieu où nous allons jouer. À l’heure qu’il est, ce lieu n’est pas encore déterminé. Une grande partie du contenu découlera de cet emplacement. »
Stef « Et de tout ce que nous, FC Bergman, véhiculons depuis notre tout premier spectacle. Ainsi, chaque projet est une réaction au précédent. »
Thomas « Le titre réfère au récit biblique de Caïn et Abel, et plus précisément au lieu vers lequel Caïn a été chassé après le meurtre d’Abel. C’est un lieu de vacuité, d’errance sans but… »
Stef « … qui est en somme une métaphore du monde. Je crois que ce titre n’est pas mal choisi, car il révèle notre regard sur l’humanité et sur le monde. »
Maarten « Vous faites désormais partie d’une grande maison qui bénéficie de subventions importantes. La question se pose alors s’il incombe simplement à une telle maison de créer de bons spectacles ou s’il lui faut également se charger d’atteindre un public plus large, d’approfondir ses liens avec le public, d’accroître la participation du public. Selon vous, quelle devrait être l’ambition du théâtre sur ce point ? »
Marie « Je pense que ni le théâtre ni le public n’ont quelque obligation que ce soit. On crée du théâtre parce qu’on veut partager une histoire, quelque chose qui nous touche. Il s’agit avant tout de partage. »
Stef « Et d’essayer de communiquer intensément avec son public. À l’heure actuelle, dans l’élaboration de Het land Nod, il est question de la manière dont nous pouvons au mieux raconter notre histoire, celle que nous voulons raconter depuis le début de FC Bergman et qui s’est entre-temps enrichie et étendue grâce à nos expériences et aux projets que nous avons réalisés. »
Thomas : « Cette histoire traite encore et toujours de la condition humaine tragique, bercée par l’illusion d’avoir prise sur la vie, de pouvoir y changer quelque chose. Il s’agit de la quintessence de ce que nous voulons raconter par la voix de FC Bergman : l’être humain se trouve dans la condition de croire qu’il est en mesure de façonner le monde selon ses idées et ses conceptions, mais il y échoue sans cesse. Cette condition renferme par essence une impossibilité. »
(…)
Maarten « Avec vos spectacles, vous situez-vous dans la zone floue entre ceux qui ont une sorte de croyance retrouvée dans le changement et veulent véritablement s’engager dans cette voie et ceux qui sont purement préoccupés par l’art ? »
Marie « Malgré notre conviction que le désir typiquement humain de vouloir saisir et comprendre le monde est de fait impossible, je crois que la tentative d’y parvenir est essentielle. Et c’est justement cet effort que nous souhaitons montrer, plutôt que l’impossibilité en soi. »