David « Vous créez votre prochain spectacle avec Alex van Warmerdam. »
Geert « C’est au fond une continuation, car Tom et Stijn ont déjà créé un spectacle avec Alex (Bij het kanaal naar links, NDLR), auquel Ben et moi n’avons pas participé. Quand j’ai vu le spectacle, j’ai regretté de ne pas en faire partie. De l’une ou l’autre façon, Alex cadre très bien avec nous, avec notre compagnie. À présent, nous allons jouer tous les quatre et Alex va écrire et mettre en scène. Cette fois, Tom et Stijn adoptent donc une autre position. »
David « Et vous faites confiance à Alex pour vous proposer une histoire bien étoffée, même s’il s’agit d’un nouveau texte ? »
Tom « Absolument. En général, ses pièces ne sont qu’à moitié achevées quand les répétitions commencent. Il sait alors qu’il faut aller dans telle ou telle direction et qu’un des personnages doit mourir, mais il finalise la pièce au cours du processus. Je ne m’attends pas à ce que le texte soit terminé quand nous commencerons. Ce n’est pas sa manière de procéder. »
(…)
David « Dans vos réalisations, vous paraissez préoccupés par l’art et son impact. Selon vous, quel est le sens de ce que vous réalisez ? Est-ce une toile blanche sur laquelle le spectateur peut faire ses propres projections ? Ou bien vos grands récits sont-ils aussi porteurs d’un message important ? »
Tom « Je veux simplement que les gens soient assis sur le bord de la chaise, qu’ils soient captivés, émus ou qu’ils se tordent de rire. Peu m’importe. Tant qu’on leur montre un monde dans lequel ils se laissent emporter, dans lequel ils reconnaissent leur propre vie et les fautes que commettent les personnages de façon à ce que cela suscite une réflexion sur soi. Cela peut être à travers AUGUSTUS (Un été à Osage County – Tracy Letts) ou Drie kleuren wit (Art – Yasmina Reza), Shakespeare ou Tchekhov, mais nous ne recherchons en aucun cas des pièces qui nous portent à réfléchir sur l’art. Drie kleuren wit était avant tout l’occasion exceptionnelle de porter à la scène des dialogues formidables, spirituels sur le même ton que celui sur lequel nous nous parlons. »
Ben « Je pense que nous partons surtout d’un bon texte. »
David « Partez-vous du contenu ou de la manière dont vous souhaitez le raconter ? »
Tom « Non, il s’agit vraiment du contenu. Parfois, on lit une pièce qui est tellement bonne qu’on ne peut plus s’arrêter de la lire. J’ai eu ça dès les premières lignes d’Un été à Osage County, mais aussi avec La Cerisaie ou avec Richard III. On se prend d’emblée à rêver de comédiens qui vont interpréter les personnages et s’y perdre. Et si le public peut se perdre dans le jeu des comédiens sur scène, je suis comblé. »
Geert « Nous nous laissons séduire par l’écriture, par la manière dont une pièce est écrite, par son rythme ou par l’enchaînement de ses phrases. C’était le cas pour Drie kleuren wit, De Krippel (L’estropié d’Inishmaan – Martin McDonagh), The lieutenant (Le Lieutenant d’Inishmore – Martin McDonagh), AUGUSTUS… Ces pièces sont caustiques, elles sont écrites avec tant de finesse, les personnages survivent grâce à l’humour. C’est l’élément récurrent, et chez Alex aussi au fond. »